René Magritte sima sima78Que ce soit au boulot ou au quotidien, nous avons toujours plein de bons prétextes pour éviter ce que nous devrions faire, mais pour le coup c’est un bon sujet de billet.
Sur cette dernière réflexion j'ai décidé d’argumenter plus bas en me basant sur un extrait de "Le vagabond" de Tristan Bernard, que je résume en trois phrases:

Nous ne faisons pas ce que nous devrions.
Ce que nous devrions faire nous ne le faisons pas.
Et, nous nous reposons sur la pensée que la chance nous viendra en aide.

En fait je n'argumente pas, je vous laisse lire!
Extrait à lire:
"(...)
Ce jour-là donc qui était un lundi, j’étais absolument torturé par la nécessité d’écrire un tout petit article que j’avais promis pour le jeudi précédent. J’avais déjà envoyé plusieurs lettres pour m’excuser. Chacune d’elles était plus longue à elle seule que l’article en retard.
(…)
J’avais décidé la veille que je ferais mon article le matin, afin d’avoir un après-midi de tranquillité inviolable. Mais toute la matinée avait coulé sans qu’on s’en aperçût, bien qu’elle fût occupée par un constant remords. Tout prétexte était bon pour reculer l’affreux moment où je m’assoirais à ma table. Il m’avait semblé absolument nécessaire de vérifier les bandages d’une machine excellente à changement de vitesse, à roue libre, une bicyclette de première marque dont je ne me servais d’ailleurs pas. Arrivé dans le hangar où elle se trouvait remisée, il me parut indispensable de gonfler le pneu arrière. Notez que je déteste gonfler des pneus, que ça ne m’arrive pour ainsi dire jamais, que c’est pour moi le plus écœurant des labeurs. Mais cette besogne était facultative, tandis que l’autre – Celle qui m’attendait dans mon cabinet de travail – l’autre était obligatoire, implacablement !
Après avoir gonflé lentement, posément, mes deux pneus, je me rendis dans le potager où je me mis à arroser des fleurs, à la stupéfaction du vieux jardinier qui ne m’avait jamais vu me livrer à une occupation pareille.
Je crois même que, ce matin-là, j’allais jusqu’à ratisser les allées du jardin. Enfin le déjeuner arriva. Je restai à table le plus longtemps que je pus. Je fis une partie de dames, que je perdis ; puis la revanche que je perdis également, et contre toute légalité je demandai à faire la belle !
Après les parties de dames, on ne pouvait vraiment se mettre tout de suite au travail. Il fallait de toute nécessité se dégourdir les jambes en faisant quelques pas sur la route.
Il faisait très chaud, abominablement chaud. J’aurais été cent fois mieux, les stores baissés, dans mon cabinet… Mais dans mon cabinet, il y avait une table impérieuse, des feuilles de papier d’une blancheur despotique, un inexorable encrier.
Je me promenai sur la route déserte, épiant sans me l’avouer le moment où quelque passant  surgirait au détour du chemin.
(…)
Il me semble à la réflexion que c’était là un sujet d’histoire, que la Providence m’envoyait charitablement.
Je remontai dans ma chambre et je fis mon article sans plus tarder sur un sujet d’ailleurs différent.
Mais tout n’est pas perdu, en somme, puisque ce sujet je le retrouve aujourd’hui."

Image : Le pèlerin de René Magritte, 1966