2006.

Un poste de management se libère. Je n’ai jamais eu d’ambition professionnelle et dit à mon collègue plus ancien que moi : tu devrais postuler, sinon on ne sait pas qui on aura comme chef et au vu de ce que l’on a eu avant…
Lui : non, ce serait trop de stress pour moi, j’ai pas envie, mais postule, toi, tu es plus jeune.
Je monte un dossier avec les objectifs et possibilités sans trop y croire, je suis syndicaliste, j’ai des cibles dans le dos, il y a eu des demandes de mutations d’office à mon encontre… Je n’y crois pas.

Quelques jours plus tard je suis reçu par le directeur. Il me dit, vous êtes le seul à avoir présenté un dossier aussi bien construit avec de belles orientations. Je vous mets à l’essai 6 mois et si tout se déroule bien je vous conforte sur le poste. Il m’a conforté sur le poste au bout de 3 mois.

Le dossier comportait des choses très réalisables et qui coulait de sens (obtenir l’agrément de l’inspection académique, travailler en étroite collaboration avec CANOPÉ, l’office du tourisme, les syndicats d’initiatives, l’office départementale du tourisme, projets d’événementiels, rénover les animations pédagogiques, et quelques projets sur de nouvelles animations pédagogiques), en fait, ce qui aurait dû être fait par ceux qui étaient sur le poste avant moi, mais rien d’impossible.

Premières réunions de cheffaillons.

Hé oui, je fais partie de cette catégorie.
Dans ce cadre nous avions une réunion mensuelle de travail et qu’elle fût ma première désagréable surprise.
Nombre de chéfaillons parlaient en ces termes (pas tous, mais presque) : j’ai fait ! Je vais faire ! Je propose ! Sauf lorsqu’il y avait une connerie : untel c’est planté sur le projet, etc.
Je me suis attaché à parler différemment : mon équipe fait ! ils ont fait ! Nous proposons ! (je mets "nous" dans les propositions car si elle n’est pas bonne je veux en prendre la part de responsabilité en tant que celui qui a influencé). Et pour les conneries, j’en prends l’entière responsabilité : sur ce projet on s’est planté, j’aurais dû voir l’impossibilité de sa réalisation. C’est de ma faute.

Je n’ai jamais compris cette nécessité de certains à vouloir se mettre en avant avec les "moi je".
En participant a ces réunions, nous sommes mis en avant de fait et nous le sommes grâce au travail fourni par nos équipes, sans eux nous ne sommes rien ! Nous organisons, eux font !

J’ai constaté aussi que j’étais le seul à préparer la réunion en discutant de l’ordre du jour avec les membres de mes équipes, et faire un compte rendu.

Finalement, ma façon de procéder m’a valu un immense respect et confiance du directeur. Qui l’eût cru ?

Deux ans après j’obtenais une promotion qui correspondait presque à mon poste. La première et unique fois où j’ai été promu, avant et par la suite cela c’est fait par voie de concours.

Périodes fastes.

Ma façon de manager est de ne jamais focaliser sur les défauts des uns et des autres, j’ai aussi les miens. Je pars du principe que si l’on focalise sur le fait qu’untel est comme ceci, que l’autre est comme cela on arrive vite à la cacophonie. Pour qu’il y ait une harmonie, il faut voir et reconnaître les qualités de chacun, orchestrer les compétences pour que cela sonne le plus juste possible.

Nous avons travaillé en harmonie, nous organisions plusieurs événementiels par an (6 mineurs, 1 majeur). Lors d’événementiels, l’on a beau faire des rétroplannings il y a toujours des imprévus de dernières minutes et j’attachais un point d’honneur d’être là, présent, aux côtés de mes équipes dans les moments difficiles, mettre la main à la pâte pour faire avancer les choses. J’ai vraiment aimé cette période, j’ai vraiment pris plaisir à faire ce job.

Changements

Il y a environ 5 ans, le directeur part. Se met en place un nouveau, mais au-dessus de lui se met aussi en place une multitude de directeurs, sous directeurs, chargés de mission, etc., une nébuleuse.

Avant l’arbre était ainsi DG → SG → Directeur → moi. Là, en partant de moi vers le haut : moi ← Directeur ← Nébuleuse de directeurs, sous directeurs, chargés de mission ← SG ← DG

Le directeur au-dessus de moi n’est pas une mauvaise personne, je l’aime bien, on se connaît déjà d’avant, et je constate la pression exercée sur lui, il apporte quelques modifications. Les réunions deviennent hebdomadaires. Première conséquence, je ne peux plus préparer les réunions en amont avec mes équipes, je parle en leur nom sans les avoir consultés, concerté, et ne fais plus non-plus de compte-rendu… C’est tout simplement impossible par manque de temps, je ne peux faire par semaine une réunion préparatoire, la réunion et celle de compte-rendu. Sans compter que là on commence à me convier à de multitudes de réunions organisées par chaque membre de la nébuleuse (dont certaines ne me concernent pas). Cela  m’oblige aussi à essayer de pallier à tout le reste qui m’est demandé quotidiennement. Je suis également régisseur des recettes, régisseur d’avance, correspondant informatique. Mes collaborateurs, comme l’on dit, sont extraordinaires, la secrétaire par exemple, mandataire, fournie un énorme travail dans la régie et me déleste sur cette tâche.

Bref je suis très bien entouré et leur suis reconnaissant. Mais les directives tombes, les unes après les autres, toutes plus pourries les unes que les autres et toujours pour en demander plus aux membres de mon équipe, sans compensation bien sûr.

Ça tombe de partout rien n’est épargné, le nombre de dimanches travaillé, recrutement sur CDD 70 % au lieu de temps complet, modification sur les procédures d'entretiens professionnels, les acquis des agents d’accueil… De maigres acquis, dérisoires voire symbolique aux vus des avantages que s’octroient les hiérarchies. La liste n'est pas exhaustive! Il en ressort un véritable mépris pour les mal nommés "petits personnels"

Pour imager, une discussion avec mon directeur qui m’annonce qu’un départ en retraite risque ne pas être remplacé :
Moi : Si l’on m’enlève un poste ça met tout le reste de l’équipe dans la merde, déjà lors de maladie certains sont obligés de faire plusieurs week-ends d’affilée et heureusement il y a peu d’absence. Et comment je fais pour qu’ils puissent récupérer quand ils ne sont plus assez nombreux ?
Lui : Oui, je sais tout ça, mais le renouvellement de poste c’est pas dans les directives de la direction. Et tu le sais aussi.
Moi : Mais regarde au-dessus de toi cette nébuleuse de directeurs, sous directeurs, etc. Ils sont tous bien payés, à quoi servent-ils ? Concrètement ! À rien ! Je te le dis et tu le sais aussi, on peut tous les virer, sans que ça change quoi que ce soit, on restera ouvert, on continuera d’accueillir le public et les écoles. Part contre ici, une personne en moins on est dans la merde, deux on ferme. C’est de personnels de terrain dont ont à besoin, c’est ceux à qui l’on demande le plus, les moins biens payés et qu’on emmerde le plus.

Cette discussion résume bien les changements qui se sont amplifiés par la suite.

Je n’ai plus travaillé sur le moindre projet d’événementiel, j’avais honte de devoir demander à mes équipes déjà surmenées, puis la COVID est passé par là.

Covid

Confinement, tout est en stand-bye, sauf les projets de modifications de destruction des conditions de travail. Ces mails continuent de tomber pour la réouverture, il faut être prêt !
J’assume le travail quotidien, mais plus de projet, je laisse couler les sollicitations d’événements. On me multiplie les réunions par visio. Je n’ai plus goût à mon travail qui m’a tant plu pendant des années.

Déclic

Juin 2021, un matin, je n’ai pas envie de me lever, je ne peux pas me lever, pas aller au travail, et je n’irai pas ce jour-là. J’irai chez le médecin. Ce dernier m’annonce que je fais certainement un burn-out et souhaite m’arrêter un mois pour commencer… Nous continuons de discuter et en même temps je réfléchis, je réfléchis vite… Je dois finaliser un marché public, je dois être là pour la mise en place du nouveau système de caisse avec le nouveau prestataire, etc. Dans un mois je serai dans une merde noire et ce sera pire…

Dans l’urgence, j’ai toujours su prendre de bonnes décisions. Je lui dis arrêtez-moi une semaine !je suis passé à la pharmacie prendre les anti-dépressifs qu’il m’a prescrit, que je ne compte pas prendre, mais au cas où.

Je consacre ma semaine à des promenades en forêt, des séances de méditations, à lister tout ce que je dois faire pour partir au plus vite et dans les meilleures conditions, comment reprendre avec un état d’esprit positif.

J’avais déjà pensé partir, mais laissais couler sans vraiment m’y attacher. Initialement je comptais partir entre 2023 et 2026. Mais là non, le plus tôt sera le mieux !

Je reprends le travail, mais mon état d’esprit a changé, je fais correctement mon travail mais pense et organise mon départ.

J’ai quelques réponses encourageantes pendant mes vacances d’août, à mon retour, mon esprit est déjà ailleurs, dans un futur sur lequel je n’ai pas encore pied mais que je ressens meilleur. Je calcule mes congés restant, fais des heures supplémentaires pour cumuler des récupérations. En octobre ma date de départ se précise, ce sera au 1er février 2022, avec mes récupérations et congés cumulés, mon dernier jour sera le 10 décembre 2021 !

Et depuis...

Maintenant je me manage seul, et quel plaisir, je suis heureux ! Mon seul regret, ne pas être parti plus tôt.

Le billet Les aventures de S – quand je manageais est apparu en premier sur le blog Sima78